Les personnes retraitées se souviendront particulièrement du quinquennat d’Emmanuel Macron. Ce n’est pas la première fois que leurs retraites décrochent par rapport à l’évolution des salaires ou à l’évolution des prix, ce n’est pas la première fois que les pensions sont gelées pendant au moins une année, mais c’est la première fois que la valeur nominale des pensions baisse d’une année sur l’autre : en 2019, pour leur déclaration de revenus de 2018, beaucoup de personnes retraitées avaient un chiffre à déclarer plus faible que celui de l’année précédente ! Au final, c’est un quinquennat avec « en même temps » des inégalités accrues, une politique autoritaire rarement aussi contestée dans la rue et une morgue développée vis-à-vis de la population.
Un pouvoir d’achat en baisse. Dans une lettre du 18 mars 2017, le candidat Macron s’adressait aux organisations de retraité·e·s : « Je protégerai le pouvoir d’achat des personnes retraitées. Nous ne toucherons pas au niveau des pensions ». Mais, une fois élu, la politique suivie à l’égard des personnes retraitées a été encore plus dure que celle des prédécesseurs : hausse de 25 % de la CSG, gel de la revalorisation des pensions deux années de suite puis sous indexations manifestes, particulièrement pour 2021, à un moment où l’inflation s’accroissait fortement, particulièrement pour des produits de base, l’énergie, l’alimentation, les transports, etc. Pendant les 4 années qui ont suivi l’arrivée de E. Macron à la Présidence, la pension a diminué de 0,7 % tandis que les prix ont augmenté de 6,2 %, soit une baisse du pouvoir d’achat de 6,9 %, l’équivalent de plus de 80 % d’un mois de pension sur une année ! Le bilan, c’est que les pensions sont en retard sur l’évolution des prix et plus encore sur celle des salaires, et ce alors que les revenus et les profits des plus riches augmentent de façon scandaleuse.
Une augmentation des inégalités. Pendant que le gouvernement baissait le pouvoir d’achat des personnes retraitées, qu’il diminuait des prestations sociales, qu’il baissait les APL, qu’il qualifiait de « nanties » les personnes retraitées percevant plus de 2 000 euros par mois, il baissait de 33,3 % à 25 % le taux de l’impôt sur les sociétés, il plafonnait à 30 % l’imposition des dividendes et des revenus financiers, et il supprimait l’ISF, contribuant très largement à ce que les riches soient encore plus riches et les pauvres, plus nombreux et plus pauvres. En 2022, l’industrie du luxe a une clientèle nationale et internationale disposant de fonds encore plus importants, les principaux détenteurs d’actions sont plus riches que le reste de l’humanité, et, en France, plus de 5 millions de personnes retraitées connaissent des difficultés monétaires, plus d’un million d’entre elles se situent sous le seuil de pauvreté. Des jeunes, des retraité·e·s, etc., vont régulièrement au Secours Populaire et aux Restos du Cœur. La crise sanitaire, aux conséquences dramatiques pour la majorité de la population a profité scandaleusement aux plus riches. Elle ne peut servir de prétexte à une politique qui est le résultat de choix économiques, sociaux et idéologiques délibérés.
Un recul de notre système de santé. Le recul du système public de santé a été engagé depuis plusieurs décennies, particulièrement avec le plan Juppé de 1995, mais le quinquennat d’Emmanuel Macron s’est totalement inscrit dans cette démarche. Les suppressions de lits ont continué et les insuffisances de notre système de santé ont éclaté au grand jour avec l’arrivée de la pandémie : manque d’effectifs, manque de matériel, même un manque de masques et, rapidement, un manque de vaccins. Il est apparu que, malgré les milliards versés notamment aux laboratoires en matière de crédit recherche, le pays était totalement dépendant de firmes étrangères pour se fournir en biens indispensables.
Pendant le même temps, les attaques se sont poursuivies qui fragilisent notamment la branche maladie de la Sécurité sociale à qui il fait assumer une grande partie du remboursement de la dette Covid. Le gouvernement a même décidé que, désormais, les exonérations de cotisations sociales qui pourront être votées ne seront plus compensées par le budget de l’État, ce qui veut dire que, de fait, une augmentation de dividendes pourra être financée par une réduction des prises en charge de l’assurance maladie ou une augmentation de la CSG !
Une maltraitance institutionnelle et un manque de respect des droits fondamentaux des personnes en perte d’autonomie. Le gouvernement présentait l’adoption d’une loi « Grand Âge » comme une des mesures phares du quinquennat. Ce projet a été abandonné et remplacé par une ordonnance instituant le financement d’une nouvelle 5e branche par les impôts, gérée par un établissement public, la CNSA, avec une modification poursuivie du financement de la Sécurité sociale sans débats parlementaires. Les mesures de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) 2022, censées pallier le renoncement à la loi, sont scandaleusement insuffisantes. Pendant ces cinq années, la situation de l’Aide à domicile et la situation dans les EHPAD se sont fortement dégradées et répondent encore moins aux besoins croissants dans ces domaines. Les manques en personnels, en établissement comme à domicile, et les restes à charge insupportables continuent de plonger des personnes âgées et leur famille dans la détresse. La mise en place de la convergence des tarifs dépendance et soins et des Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens conclus pour 5 ans, les sous-effectifs, la baisse des dotations ont dégradé les conditions de travail et ont nui à la qualité du service et au bien-être des résidents, malgré les efforts de bienveillance des personnels. Cette maltraitance institutionnelle se développe dans les établissements privés où la recherche exclusive d’une plus grande rentabilité des capitaux investis est contraire à l’idée même d’établissement soucieux de la qualité de vie des personnes. Elle se rencontre aussi, plus rarement, dans les établissements publics car disposant de moyens matériels et humains notoirement insuffisants. C’est la réduction des prélèvements obligatoires pour les plus riches qui provoque une insuffisance des budgets publics, et, en cascade, un manque d’EHPAD publics, un manque de moyens pour ces EHPAD publics, et l’ouverture du « marché » aux capitaux privés, avec toutes les dérives qui s’en suivent. En effet, sous la présidence Macron, il a été décidé d’arrêter d’ouvrir de nouveaux EHPAD publics, ouvrant ainsi délibérément ce « marché » aux capitaux privés. Le « virage domiciliaire » annoncé correspond certes à l’aspiration forte des personnes à continuer de vivre à leur domicile mais il sert surtout à faire des économies budgétaires, en économisant sur le foncier et en utilisant encore plus le bénévolat des familles. Les scandales récents ont confirmé que les dividendes des actionnaires d’ORPEA, de Korian, DomusVi, etc., se font sur la maltraitance de personnes en perte d’autonomie et sur la surexploitation des personnels.
Un recul général des services publics. La politique menée par le gouvernement à l’égard de l’hôpital public comme à l’égard des EHPAD publics est appliquée avec la même rigueur à l’égard de tous les établissements publics. La SNCF et EDF sont progressivement dépecées et transformées en sociétés privées.
Partout, il faut supprimer des services, des guichets, des bureaux. Partout, dans les territoires, dans les banlieues, dans les grandes villes, il est particulièrement difficile pour certaines couches de la population d’avoir accès aux administrations et aux services publics. La « numérisation » des administrations et des services nous est présentée comme un très grand progrès : ça conduit surtout à une grande déshumanisation de nombre de relations sociales et notamment au désarroi de nombreuses personnes âgées face à certaines démarches administratives obligées. Pire, elle conduit à renoncer à des droits, inatteignables à cause de la dématérialisation des demandes. La suppression progressive de la taxe d’habitation ne répond pas au problème du pouvoir d’achat : la réponse serait une augmentation des salaires et des pensions et une autre répartition des richesses produites. C’est une façon de réduire encore les restes de solidarité sociale qui subsistent de la part de certaines municipalités et d’accélérer la suppression de services publics locaux et de certaines prestations sociales.
Un mépris constant à l’égard des personnes retraitées. C’est aussi ce qui aura caractérisé le quinquennat d’Emmanuel Macron. Les personnes retraitées n’ont pas été les seules victimes de ce mépris affiché, mais elles en ont eu rapidement conscience. Dès septembre 2017, quand le Projet de Loi de Finances 2018 et le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale ont été présentés et débattus, les personnes retraitées ont compris que ces promesses étaient « du vent » face au blocage des pensions et à l’augmentation envisagée de la CSG. Pendant ces cinq années, jamais la présidence de la République n’a daigné répondre aux multiples courriers envoyés par les neuf organisations de retraité.e.s. Dans son courrier du 18 mars 2017, le candidat Macron s’engageait aussi à « valoriser le rôle indispensable des retraité·e·s dans la société ». Très concrètement, c’est l’infantilisation qui a primé et le Président n’a jamais eu le moindre mot contre les scandaleuses campagnes de stigmatisation contre les « vieux », particulièrement au début de la pandémie (« sacrifier l’économie pour la survie de quelques personnes âgées »). L’âgisme est une discrimination intolérable dans une société qui se dit égalitaire et solidaire. L’absence de ministère dédié est la confirmation institutionnelle de ce mépris.
Pendant tout ce quinquennat, nos organisations (CGT, FO, FSU, Solidaires, FGR-FP, LSR, UNRPA Ensemble & Solidaires) ont régulièrement porté les revendications des personnes retraitées. Elles continueront de le faire, dans l’unité, quelle que soit la personne élue pour le prochain quinquennat.
Paris, le 25 mars 2022