Continuité Pédagogique
L’urgence sanitaire dans notre pays a débouché sur des décisions importantes prises par le ministère, qui impliquent, pratiquement et à ce jour, de rester confiné chez soi. Ces décisions évoluent quotidiennement en fonction de la situation. Donc, disons-le tout de suite, faire l’école sans l’Ecole ou imaginer une quelconque « continuité pédagogique », ce n’est pas possible. Tout le temps que durera le confinement, il n’y aura pas d’école, et la qualité de ce que feront les élèves chez eux est renvoyé à leur implication personnelle et aux possibilités familiales. Nous savons dans ces conditions que cela donnera lieu à de très grandes inégalités que nous ne pourrons réduire « à distance ».
Demander aux parents de faire l’école ou même de surveiller leurs enfants pour un travail scolaire quand eux-mêmes sont également confinés ou en télétravail est extrêmement inégalitaire, en fonction des ressources (taille et qualité de lieux d’habitation, fracture numérique etc…) et des préoccupations culturelles.
Les enseignants doivent répondre à des demandes institutionnelles pour assurer un certain nombre de choses. La confusion la plus totale règne avec, comme pour d’autres choses, des inégalités flagrantes entre académies. Certaines injonctions n’ayant d’ailleurs rien à voir avec la fameuse « continuité pédagogique ». Mais n’oublions pas que la plupart des enseignants auront eux aussi à garder leurs propres enfants chez eux.
L’EPS
Pour ce qui nous concerne, il nous paraît essentiel de faire juste preuve d’un peu de bon sens et de ne pas céder soit à la psychose soit à la dérive technocratique qui, malheureusement, fleurissent dans cette situation de crise.
L’institution doit se charger de maintenir le lien avec les élèves, notamment les plus en difficulté. Garder le contact, sans démagogie, c’est une première chose qui implique des mesures à prendre pour les établissements (ENT, mails ou appels réguliers de la part de l’administration…) et leur proposer, à titre d’exemple, des activités éducatives (mise à disposition d’ouvrages, accès aux médiathèques numériques…)
Pour ce qui concerne l’EPS, le but principal, compte tenu de la situation actuelle est d’inciter à avoir des pratiques physiques, limités certes par les contraintes des lieux d’habitation, sachant que de toute façon il ne pourra y avoir aucun contrôle sur le réel. De ce point de vue, toutes les initiatives sont bonnes à prendre pour dialoguer avec les élèves et savoir ce qu’ils peuvent faire et font chez eux. Il est aussi possible, en complément, d’inviter les élèves à se cultiver sur le sport et arts corporels (films, reportages…) et organiser les échanges sur ce qu’ils ont pu mettre en œuvre. A partir de là, les enseignants pourront affiner leurs propositions pour qu’elles touchent le maximum d’élèves.
Les taches « administratives » autour de l’EPS
Ici ou là, on voit des injonctions arriver sur le principe : vous n’êtes pas en vacances, vous « devez » un service, etc. C’est-à-dire sur un mode culpabilisateur comme si les enseignant-es avaient choisi la situation actuelle. Là encore, faisons preuve d’un peu de bon sens.
Quoi qu’on en dise, le travail collectif est bloqué pour une période indéterminée. Ne faisons pas comme si tout le monde était équipé pour faire des « visioconférences » sans aucun problème. Pour quiconque ayant essayé, même s’il y a des possibilités réelles, on sait que c’est compliqué, pas fiable… A moins que très rapidement l’administration envoie chez chaque enseignant du matériel prééquipé et fiable.
Nous invitons donc les collègues à faire ce qui leur paraît possible et juste. Il faut faire confiance à la profession, son sens des responsabilités et sa professionnalité.
Sur les futurs référentiels CCF, nous demandons, comme nous l’avons annoncé au mois de janvier de ne rien rendre à l’administration avant le 8 juin. Nous reviendrons sur le sujet très prochainement.
Prévenez le SNEP-FSU en cas de pression trop importante de l’administration.
Conclusion
Quelles que soient les circonstances, la liberté pédagogique relève de l’enseignant et aucune injonction de méthode d’enseignement, y compris à distance ne peut être imposée. De plus, l’application d’un délai temporel de mise en place de nouvelle « pédagogie » est nécessaire. L’épidémie en cours ne supprime pas les statuts des enseignants
Continuité pédagogique Pas si simple…
lundi 16 mars 2020
A partir du lundi 16 mars, il nous est demandé d’assurer la continuité pédagogique à distance. Au delà de la panne massive des ENT ce 16 mars, qui montre bien la fragilité des réseaux face aux connexions en masse, adapter son enseignement (cöté professeurs) et ses apprentissages (côté élèves) ne saurait se faire d’un claquement de doigt et de la mantra du » tout est prêt ».
On ne peut exclure qu’il sera peut-être nécessaire d’expliquer à certains parents et à notre hiérarchie des réalités de notre métier. Le ministre qui dit que nous sommes prêts. Pas nous. Que les parents ne s’attendent pas à recevoir l’équivalent de plusieurs heures de cours dès lundi et tous les jours. Nous, les enseignants, avons des défis à relever à l’abri de pressions contre-productives.
Pour la plupart d’entre nous, les contenus de nos enseignements, sous formes diverses, diaporamas, traces écrites, fiches etc… ne sont pas diffusables aux élèves en l’état. De simplement copier-coller n’est pas envisageable. Pour beaucoup, nous avons une bonne partie de notre travail à refaire, si ce n’est pas tout. Mettons de côté l’aspect technique de la fiabilité et de la maîtrise des outils numériques, même si elle est souvent primordiale, pour évoquer des défis qui se poseront du fait de ne plus être devant nos élèves, et qui se poseraient même si nous utilisions une correspondance papier.
Bien sûr, adapter ou élaborer nos productions prendront un temps et une énergie variables selon les disciplines, l’expérience professionnelle, le matériel disponible et utilisé, les manières personnelles de travailler… nous n’écrivons une vérité absolue, mais un constat issu d’expériences partagées par beaucoup. L’objet de ce constat est de permettre de mettre des mots, collectivement, sur les difficultés que nous pourrons rencontrer afin de prévenir, espérons, d’éventuelles tensions.
Par exemple, nos traces écrites sont-elles exploitables sans les explications qui les accompagnent ? Il est fréquent, qu’une trace écrite de trois lignes soit la conclusion d’un travail en classe d’une vingtaine de minutes à partir de supports et d’activités variées. Et que déconnectée de ce travail, elle n’ait pas de sens.
La question du temps de travail exigible des élèves se pose également. Est-il réaliste d’imaginer des élèves travailler seuls 6h par jour ? Est-il réaliste d’imaginer des parents obtenir que leurs enfants travaillent 6h par jour ? Pour des élèves ayant des facilités avec les apprentissages, 3h parait optimiste. L’âge et le profil des élèves sont des facteurs importants. Se pose les questions de la persévérance, de l’effort, de l’autodiscipline, de l’autonomie… Sans oublier les conditions et l’ambiance de travail dont ils pourront disposer chez eux (disponibilité de terminaux fonctionnels, de moyens d’impressions, d’une pièce calme). Dans une classe, nous nous appuyons sur des élèves moteurs, qui se « relaient » d’une activité à une autre, d’un cours à l’autre. On sait bien que le travail dans une classe avec peu d’élèves moteurs est plus difficile. Ils participent à entraîner les autres dans les activités.
Un autre défi sera de concevoir des activités/contenus permettant l’apprentissage le plus autonome possible pour les élèves. Pour faire simple, comment parvenir à ce qu’il n’y ait pas, ou le moins possible d’obstacles, qui empêchent les élèves d’aller au bout d’une lecture ou d’un exercice ? Ces obstacles ne sont pas toujours faciles à anticiper. C’est souvent dans la classe que nous les percevons de part les retours que les élèves nous donnent : un mot de vocabulaire qui gêne, une ponctuation négligée par l’élève et qui indique le sens… Et une part des obstacles, en classe, sont sans rapport avec le travail produit : fatigue de l’élève, distraction causée par une préoccupation extérieure, lacunes particulières… Mesurons le travail que nous faisons tous les jours sur les seules lecture et compréhension de consignes en vue justement d’autonomiser les élèves, le dilemme que nous affrontons souvent entre débloquer un élève et prendre le temps de le laisser chercher…
Au final, la continuité pédagogique ne s’improvise pas, elle s’apparente plutôt à de la gestion de la discontinuité. Nous, personnels de l’éducation, feront au mieux de nos possibilités matérielles et pédagogiques, mais nous appelons le ministère à la modestie : rien n’est prêt dans l’instant, prenons le temps de bien faire.
Voir aussi : Télétravail pour cause de coronavirus : le RGPD s’applique aussi